A la veille du dimanche des rameaux célébrant l’entrée du Christ à Jérusalem, vêtue de mes fripes de pèlerine, je me suis rendue dans le sein de la sainte cathédrale de Chartres, joyau cultuel serti de mille verrières multicolores. J’y ai passé de longues et froides heures en studieuse compagnie.
Et hier matin, qu’apprends-je ? Que ce samedi même, l’édifice fut la cible de menaces émanant d’un dangereux groupe sataniste qui avait truffé le lieu d’explosifs. Aussitôt, mes fantasmes se mettent en branle et accusent Sayed Ali, Dimitri Gredenko, Habib Marwan, Vladimir Bierko où autres cruels maroufles ayant un faible pour l’arme nucléaire. Je ne peux m’empêcher d’imaginer Jack Bauer courant dans la nef, tapi dans les absidioles, le flingue dans une main, le portable dans l’autre, (« Damn it Chloé, fais moi une couverture satellite ! »), désamorçant l’engin au dernier moment et sauvant ce lieu cultuel et ma vie terrestre d’une fin certaine.
J’avoue, j’ai soupçonné Denis Bruna, notre bégayant professeur d’art médiéval de nous avoir volontairement attiré dans un guet-apens, tel une Nina Myers dégarnie. (« Allez à Chartres les enfants, il y’a une excellente confiserie ! »)
Mes délires apocalyptiques s’effondrent lorsque j’apprends que les explosifs qui auraient pu me faire entrer en paradis par la grande porte étaient en fait des faux, dissimulés sous un monticule de terre rappelant vaguement la forme d’un pentacle. Probablement l’action de petits malins en quête de distraction. Notons que ces derniers avaient également (et fort vicieusement) balancé un tube de cuivre dans le puits de l’évêché. Pour se désaltérer, le clergé va devoir se rabattre sur le vin de messe, ce qui laisse présager des chants liturgiques plus olé olé que de coutume.
Je suis maintenant sûre qu’il s’agit d’un coup des gothiques du parvis de la cathédrale de La Rochelle, adeptes de messes noires à très petits budgets. Tu peux reprendre l’avion, Jack.
En tout cas, j’ai failli manqué là une belle occasion d’être sanctifiée. Vous n’auriez bien sûr pas manqué de confirmer ô combien j’étais dévote.